Note de contenu : |
Lutter contre « les fractures territoriales actuelles ». Cest lambition du rapport « Mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourdhui » du sénateur socialiste de Meurthe-et-Moselle, Olivier Jacquin, dévoilé la semaine dernière. Au terme dune année de travail, le rapport établit des pistes pour améliorer les mobilités dans ces territoires, afin notamment de réduire lusage individuel de la voiture, sans « opposer les modes de mobilité entre eux et reproduire le débat pour ou contre la voiture », précise Olivier Jacquin. Il entend surtout lutter contre les « mobilités à deux vitesses » entre territoires urbains bien pourvus, et espaces peu denses déséquipés et sans autre choix que la voiture, en sappuyant sur le triptyque : « Proximité, intermodalité, accessibilité ». Le sénateur préfigure notamment huit scénarios dévolution à lhorizon 2040.
En 2018 déjà, un rapport de la délégation pointait le risque « dun progrès à deux vitesses en matière de solutions de mobilité ». Puis en 2019, la loi dorientation des mobilités (LOM), en étendant à tout le territoire le périmètre des autorités organisatrices de mobilités (AOM), a cherché à éviter que le paysage institutionnel des mobilités comporte des « zones blanches ». Mais elle « na pas satisfait à lobjectif dégalité des territoires », regrette Olivier Jacquin.
Les politiques de mobilité dans les territoires peu denses : « Un palliatif sous perfusion »
« En milieu rural, la voiture reste utilisée dans plus de 80 % des déplacements du quotidien et la situation na pas tellement évolué depuis une décennie », constate demblée le rapporteur, soulignant que les communes peu denses (où 50 % de la population vit dans des mailles comptant plus de 25 habitants par km2) et très peu denses, « constituent limmense majorité des communes françaises (plus de 30 000), et couvrent 90 % du territoire national et accueillent un tiers des habitants de notre pays ».
La grande dépendance à la voiture induit dans ces territoires « une problématique sociale majeure » : « Tous ceux qui ne disposent pas de voiture ou de permis de conduire courent le risque de devenir des assignés territoriaux », alerte le rapport. Cela concernerait « 15 à 20 % de la population adulte des espaces peu denses », précise le rapporteur. Finalement, il estime quil « sagirait de définir le peu dense du point de vue de la mobilité et non de la géographie humaine », et que cest donc « du sur-mesure quil convient de produire ».
Son constat est simple : « Quil sagisse de services publics, de services commerciaux privés ou doffres de mobilité, les espaces peu denses ont fait lobjet depuis plusieurs décennies dun déséquipement préoccupant ». Ainsi, loffre de transports publics y « tend à diminuer progressivement ». Le sénateur fait sienne lexpression dun haut fonctionnaire de lEtat : les politiques mises en uvre à lheure actuelle ne seraient « quun palliatif sous perfusion à défaut de conditions et de moyens structurels ».
Selon Olivier Jacquin, une meilleure mobilité dans les territoires peu denses passe donc par une « politique publique structurée et à bonne échelle », nécessitant des moyens « financiers et une ingénierie adaptée ». Il propose par exemple quun élu doive disposer dun cadre « dans sa collectivité compétente, pour mener ce travail à bien et à plein temps ».
Dans « lempire » de la voiture individuelle, privilégier la « socialisation du transport »
« Tout le système de mobilité est construit autour de la voiture », constate le rapporteur : la voiture individuelle, « cest le couteau suisse » des mobilités, permettant de se déplacer librement un peu partout pour une multitude de besoins : courses, travail, loisirs. Mais « la médaille a son revers » : un coût économique et écologique élevé du déplacement, pris en charge par lusager.
Plutôt que de lutter contre la voiture, dans les espaces peu denses, il estime donc quil paraît « plutôt pertinent » dinciter à « socialiser la pratique » du transport : partages des transports, covoiturage etc. Et privilégier des modes de transports doux : le vélo, la marche. Il détaille : « Dabord on utilise le réseau de transports existant et on laméliore : les infrastructures lourdes, le ferroviaire, les services de cars réguliers etc. Ensuite, on socialise la voiture : elle est tellement partout quil suffirait que quelques véhicules seulement soient dusage socialisé, pour éviter à certains dacheter une deuxième voiture. Les moyens sont nombreux comme lautopartage à partir de la flotte dune commune, dune entreprise, entre voisins. Et enfin, on privilégie la marche et le vélo, car même dans un petit village à lhabitat resserré, 50 % des trajets du quotidien se font en voiture à moins de 5 kilomètres ».
Le sénateur socialiste propose également daccentuer la communication en sappuyant sur « largument de la santé pour les modes actifs comme la marche et le vélo, largument économique afin de favoriser un usage partagé des véhicules, ou encore largument pratique pour éviter les contraintes liées au transport des enfants jusquà leurs établissements scolaires ou leurs activités extrascolaires ».
Huit scénarios dici 2040
Une transformation des mobilités à lavenir ? Elle est « possible et souhaitable » dans les espaces peu denses et sappuiera sur « les changements sociologiques et technologiques », conclut dans son rapport le socialiste. Dautant que selon lui, le confinement du printemps 2020 a déjà constitué « un laboratoire grandeur nature de démobilité à travers le télétravail ». La crise du covid aurait ainsi fait « prendre conscience que dautres modes de vie sont possibles et que certains déplacements peuvent être évités ».
Il a donc prévu huit scénarios dici 2040 en fonction de trois variables : lévolution de lattractivité démographique des territoires, la capacité des élus locaux à semparer des politiques de mobilité ou non, et lappropriation des Français des nouveaux modes de mobilité. Du « chacun son mode » à « lautogestion », en passant par « léchec » et le scénario du « wagon de queue », Olivier Jacquin explore toutes les possibilités mais insiste particulièrement sur deux dentre eux. Le scénario « idéal » : « Tout le monde a accès à des formes très variées et complètes de mobilité ». Et à linverse, le scénario du « rien de neuf ! » : « il nouvre aucune perspective autre que celle de lattente de ruptures technologiques : véhicules autonomes, petits véhicules électriques, vélomobiles (tricycle couché et protégé par une carrosserie aérodynamique). Cest le scénario de limmobilité par rapport à la situation actuelle dun territoire mais surtout cela pourrait devenir le scénario du pire. »
Désormais, Olivier Jacquin entend valoriser ce rapport, peut être par une proposition de loi ou « des travaux législatifs ». Un débat aura lieu en séance au Sénat au début du mois de mars. « On pourrait aussi imaginer une démonstration des nouveaux outils de mobilités à mes collègues sénateurs : des petits véhicules électriques par exemple, le vélomobile etc. », échafaude-t-il. Il y a quelques années, Olivier Jacquin avait déjà tenté de faire grimper ses collègues sur des trottinettes électriques. Mais à lépoque, le cabinet du Président du Sénat, Gérard Larcher, avait mis son veto. « Ils ne voulaient pas que les journalistes prennent des photos de sénateurs tombant de leurs trottinettes
» |